Il m'avait prononcé la même phrase que d'habitude avec une sourire protecteur, le même que d'habitude, celui qui avait le don de m'énerver et de m'attendrir.
"Fais attention à toi.
-Ne t'inquiète pas, je suis une grande fille!"
Et je souriais en retour, un sourire las mais rempli de tendresse. Après tout, ça avait toujours été comme ça depuis vingt ans: ses sourires, ses yeux rieurs, son air protecteur, ma lassitude, mes regrets et ma stupide, stupide compassion...
Il faisait froid dehors, je rentrais la tête dans mes épaules.
Il faisait chaud dedans, il avait mis des buches dans la cheminée.
J' avançais avec difficulté, mes bottes s'enfonçaient dans la neige tendre et fraiche du matin.
Il avançait résolument, ses chaussures avaient été retirées et soigneusement rangées près de l'entrée.
Le soir, je revenais fatiguée.
Le soir, il avait préparé le diner.
Mais pas ce soir...
Ce soir, j'avais poussé la porte et je l'avais regardé.
Ce soir, il avait tiré et son sourire s'était figé.
Alors, j'ai enfin compris que je l'aimais et j'ai crié.
Moi et ma stupide, stupide compassion...