Un petit goût de solitude dans la bouche et une grande envie de briser le mur, ce mur, qui découpait la pièce en deux parties sans vie. Le séparant lui-même de lui-même. Deux facettes comme dans un miroir.
Enfermé depuis des jours et des jours avec le seul battement de son cœur pour lui rappeler le temps qui passe.
Oh non, on ne l'avait pas enfermé là, il avait fait ça tout seul. Un besoin de s'isoler du reste du monde, de se déconnecter, en quelque sorte.
Peut-être aurait-il pu prévenir quelqu'un... Mais qui ?
La valse des pantins de ces réseaux soit disant sociaux où personne ne connait réellement personne ? Tout cela était pour lui devenu trop froid, sans vie, sans âme, sans rien...
Il avait gardé l'essentiel : à manger, à boire, un matelas, des livres et de la musique, parce qu'il avait trop besoin de ça.
Un seau, aussi, il en aurait besoin.
Cela faisait maintenant des jours qu'il était là, ou du moins il en avait le sentiment. Les premières heures avaient été difficiles mais tout allait bien. Il ne ressentait plus le besoin qu'on a maintenant d'actualiser une page, d'ouvrir une boite mail, de jouer avec son portable en attendant des messages qui souvent ne viennent pas. En fait, il se sentait libre.
L'idée avait fait son chemin, doucement mais surement, au fil de discussions ennuyeuses et banales, de montagnes russes de sentiments, partagés ou pas et de cette grande illusion qui fait qu'on finit par penser que tout ça, c'est réel.
Un monde de clowns.
Il y avait ce livre qu'il n'avait jamais écrit, toutes ces choses qu'il avait prévu et jamais faites, ces gens éloignés qu'il connaissait mieux que ses amis les plus proches. Un étalage constant de chaque personnalité virtuelle de tout le monde, dégoulinant sur la toile, un tube peinture écrasé sauvagement, aveuglement...
Il y avait ces heures perdues, ces rencontres hasardeuses, ces messages ambigus, ces réputations faites et défaites en un clic...
Tout ce qu'il détestait chez l'être humain.
Malgré ça, il ne se sentait pas assez fort pour seulement pousser sa porte et rencontrer le vrai monde et, de toute façon, inévitablement, tout ça finirait par un contact de plus dans son répertoire.
Donc il avait choisi l'isolement.
Il avait toujours préféré les huis clos aux comédies sentimentales ou aux films bourrés d'effets spéciaux et vides de sens. Cette façon d'éprouver les sentiments humains les plus vils... Mais il n'en avait pas vu un bon depuis très longtemps. A vrai dire, le dernier film du genre dont il se souvienne était encore en noir et blanc.
On privilégiait l'emballage au contenu, maintenant. Dans tous les domaines. Du moins c'était son point de vue.
Tournant en rond dans sa cellule, encore et encore, sans fin.
Il se revoyait encore assis dans son fauteuil se demandant pourquoi il était là, se sentant partir. Pas de la même façon qu'on pouvait imaginer être Link en 1993 mais plutôt comme si il était incarné dans la chose pleine de circuits imprimés devant lui. "Suis-je dedans ou dehors ?"
Alors il avait franchi le pas, repensant aux soirées, aux gens qu'il voyait, le simple son d'un rire le poussait à rire aussi. Maintenant il regardait des gens se vautrer sur You Tube. Les concerts, au milieu de la foule, transpirant, dans un état second pendant une heure ou deux, l'euphorie quand le groupe montait sur scène s'était transformé en fichier mp3 sur son ordinateur qu'il écoutait d'une oreille distraite. Même son nom ne signifiait rien au milieu de tout ça.
To be continued (or not)