Il était tard, ou peut-être tôt. Je ne savais si la lumière qui s’élevait au loin était celle de l’aube ou de l’aurore. Je marchais dans les rues de la capitale sans véritablement savoir où j’allais ni même d’où je venais. Les derniers souvenirs de ma soirée que je possédais encore se résumaient en une sorte de film accéléré parsemé de trous noirs apparaissant de manière totalement déconstruite. Je me voyais au comptoir d’un de ses établissements dans lequel on entre pour ne jamais vraiment en ressortir, le genre de lieux qui vous fait oublier tout ce qu’on a vous a demandé d’apprendre sur vous-même, sur les autres et comment il vous faut lier les deux. Qui avaient été ces jeunes hommes et femmes à qui j’avais gracieusement offert un verre avant de leur voler leur dignité dans différentes positions, offrant à ceux qui ne pouvaient faire de même un spectacle aussi indigne qu’exquis ?
Dehors il pleuvait averse, une pluie froide que l’air frigorifique transformait en glace au moment où les gouttes me touchaient, comme si le ciel faisait tomber sur ma tête des lames de rasoirs liquides. Je remettais mon chapeau en place et relevais le col de mon manteau ; quel temps parfait. Ce qui est magique avec les météos peu clémentes c’est qu’elles ont la faculté de vider les rues de leurs gêneurs. Si vous voulez être certain de marcher en toute tranquillité dans une rue, attendez la pluie, elle fait sortir les rats et rentrer les hommes ; mais qui se soucie des rats hors des périodes de peste ? Prenant un air sûr de moi je tournais dans une ruelle sombre créée entre deux imposants bâtiments d’une facture assez improbable menaçant de s’écrouler au moindre de mes pas.
Les gens qui me frôlaient semblaient toujours tituber, effet commun provoqué par une nuit trop arrosée. Il devait donc être tard. Devant moi un jeune garçon peu vêtu courait désespérément, espérant probablement passer à travers les goutes. Trempé comme il était j’aurais souhaité pouvoir le réchauffer à ma façon mais le bougre courait bien trop vite pour que je puisse lui faire quelque proposition que ce soit. Dommage pour lui, sa soirée aurait pu se terminer autrement. Je l’aurais accueilli chez moi et lui aurais proposé de se déshabiller. Lui donnant une robe de chambre, je l’aurais installé prêt du feu afin qu’il se réchauffe et, assis à ses côtés je l’aurais séduit ou plutôt excité par diverses histoires qui ont toujours le pouvoir de rendre les hommes incontrôlables. Là, je l’aurais très probablement pris à quatre pattes sur le tapis et l’aurais fait crier… mais ce soir il rentrera simplement chez lui trempé.
Il est surprenant de voir la population nocturne d’une grande ville, elle est en parfaite opposition avec celle qui arpente ses rues une fois le soleil levé. Les braves gens ne se lèvent qu’après le soleil et ne rentrent de leurs soirées que bien avant son lever. Mais enfin, que savais-je des braves gens ? Moi qui n’avais jamais rien eu à faire avec eux. J’étais passé de pauvre orphelin à riche héritier sans même avoir eu le temps de connaitre la société, passant d’une masure en bois à une prison dorée. C’est peut-être cette raison qui me poussait à sortir la nuit pour me rendre dans des lieux qui aux yeux de ces braves âmes n’étaient que des prétextes aux histoires les plus sordides… et pourtant que ces histoires sordides peuvent être instructives quand on en est le personnage principal ! Une prostituée m’interpelait, cachée sous un porche pour éviter de finir à l’état liquide. Après inspection de la personne, je passais mon chemin ; la fraicheur de la pauvre femme n’était nullement comparable à celle de la nuit !
Après plusieurs minutes de marche je rentrai chez moi. Un hôtel particulier de 5 étages en plein centre-ville ; ce soir j’y dormirai seul malheureusement. Cela étant, je n’allais pas ramener chez moi ces personnes que j’avais dévergondé durant la nuit. Même si je ne l’avais pas connu, je pense que feu mon grand père n’aurait pas apprécié que son ancienne demeure serve de lupanar… si tôt !
Voilà, j'avais écrit ça il y a longtemps et je me demandais si ça valait la peine que je continue dans ce sens ou s'il vaut mieux m'abstenir ici... La décision vous revient totalement... A savoir que j'avais pensé à plus "explicite" pour la suite. Je tenais juste à planter le décor et la pensée du personnage qui bien sûr s'inspire d'une vision personnelle de Dorian